Artikel: Interview avec Alberto Morillas : tour parfumé de Séville
Question : Vous êtes né à Séville dans les années 50. Est-ce que la ville aujourd’hui a la même odeur qu’à l’époque ?
AM : Séville a évolué avec le temps. Dans les années 50, l'odeur de la ville, marquée par les orangers en fleur, les marchés et les épices, était plus brute et authentique, imprégnée de traditions andalouses. Aujourd'hui, malgré la persistance de certaines odeurs comme celle du crottin de cheval des calèches, la modernité a ajouté des couches supplémentaires : les voitures, les cafés et les nouveaux espaces urbains. Séville conserve l'âme de son passé tout en s'enrichissant des nuances du présent, formant une mosaïque olfactive complexe qui reflète son évolution.
Question : Quel est votre souvenir olfactif le plus précieux lié à cette ville ?
AM : Mon souvenir olfactif le plus précieux à Séville est sans conteste celui du parfum des orangers en fleur. Cette odeur douce et enivrante, légèrement amère, envahissait les ruelles au printemps. Mais ce qui me touche le plus, c’est le souvenir du patio de la maison familiale. Ce patio était le cœur de notre maison, un lieu de vie où la lumière et le parfum du jasmin grimpant se mêlaient. Cette odeur est pour moi indissociable de la fraîcheur des soirées andalouses, du bruit de l’eau dans la fontaine et de la convivialité des moments partagés en famille.
Question : L’un des lieux emblématiques de la ville est le palais de l’Alcazar, avec son jardin. Quel parfum vous évoque-t-il ?
AM : Le palais de l’Alcazar m’évoque une symphonie olfactive où la fraîcheur des agrumes – orangers et citronniers – se mêle à la sensualité du jasmin et de la rose, enrichies par les notes herbacées du myrte et par la profondeur des cyprès. La touche aquatique des fontaines apporte une dimension apaisante et rafraîchissante à l’ensemble. C’est cette atmosphère que j’ai voulu capturer dans Solar Blossom. La création traduit à la perfection l’essence de ce jardin, avec la fleur d’oranger, le néroli, le jasmin, et toute la lumière qui y baigne.
Question : Dans quel parc recommandez-vous une balade et quel parfum lui associez-vous ?
AM : Je recommande une balade dans le parc de María Luisa, un véritable havre de paix en plein cœur de Séville. C’est un lieu où la nature se déploie dans toute sa richesse. Les promenades ombragées sous les magnolias géants, les palmiers et les orangers, combinées à la douceur des fontaines et des petits étangs, créent une atmosphère sereine et romantique.
Le parfum Alma de Rosario correspond parfaitement à cette atmosphère avec ses notes de fleur d’oranger, de jasmin, et surtout sa touche aquatique rappelant la fraîcheur des fontaines. Il capture l’essence lumineuse et florale de ce lieu enchanteur.
Question : La tour de Giralda est un minaret devenu le clocher de la cathédrale, aujourd’hui entouré d’orangers. Quelle bougie vous rappelle-t-elle ?
AM : La tour de la Giralda est un symbole emblématique de Séville, où l’histoire et la nature se rencontrent. Aujourd’hui entourée d’orangers, elle pourrait me rappeler la douceur de la fleur d’oranger. Pourtant, paradoxalement, ce lieu me rappelle plutôt le parfum puissant et mystique de l’encens. C’est le souvenir des encensoirs balancés lors des ferias, empreints de spiritualité et de tradition. Pour cela, je pense immédiatement à la bougie Cyprès de Toscane, qui capture à merveille cette magie de l’encens blanc, à la fois profond sacré et symbolique.
Question : Quel lieu de la ville possède l’odeur la plus surprenante ?
AM : L’un des lieux les plus surprenants de Séville en termes d’odeurs est le marché de Triana. Ici, les arômes s’entremêlent de manière inattendue : le parfum des épices, le sel du poisson frais, la douceur des fruits mûrs, et la vivacité des herbes aromatiques se mélangent avec l’odeur caractéristique de la friture, des tapas qui crépitent sur les plaques chaudes. C’est un lieu où chaque pas dévoile une nouvelle senteur.
Question : Si la ville devait être décrite au travers d’une seule note, quelle serait-elle ?
AM : Si je devais décrire Séville à travers une seule note, ce serait celle du fleuve Guadalquivir, avec sa fraîcheur aquatique si emblématique. Ce fleuve a toujours été le cœur battant de la ville, apportant à la fois vie et mouvement. Sa note aquatique, fraîche et vivifiante, capture l’essence de Séville : une ville où l’eau apaise la chaleur et où la brise sur les rives offre un répit. Cette fraîcheur rappelle les promenades le long des quais, les reflets scintillants sous le soleil andalou, et l’histoire de la ville, marquée par son lien indissociable avec le fleuve. C’est une note subtile mais essentielle.
Question : Comment avez-vous réussi à emporter avec vous en Suisse, votre lieu de résidence actuel, une partie de Séville ?
AM : J’ai emporté avec moi une partie de Séville en recréant des fragments de cette atmosphère qui m’est si chère. Dans mon jardin en Suisse, j’ai planté des orangers et des jasmins pour retrouver ces senteurs typiques de l’Andalousie. Mais surtout, Séville vit constamment en moi : à travers mes racines, mon imagination, et dans toutes mes créations. C’est une présence indélébile qui se manifeste dans chaque parfum que je compose, où l’on retrouve la chaleur de la fleur d’oranger, les épices vibrantes, ou la fraîcheur aquatique du Guadalquivir. Ces éléments me permettent de maintenir vivante cette connexion profonde avec ma ville natale, où que je sois.